lois et alliances

Corinne Duboustok était sortie rapidement de l’académie, courant vers son objectif : la salle d’assemblée. Sa course se fit sans embûche et elle se retrouva rapidement devant la grande porte menant au conseil. Jusqu’à maintenant, elle n’avait pensé qu’à l’idée de trouver des textes de lois et d’alliances dans la salle d’assemblée, mais son esprit n’avait pas encore évalué la difficulté qu’elle aurait à y pénétrer.

Ce n’est que lorsqu’elle eut frappé quatre fois à la porte qu’un doute s’immisça dans son esprit. Si personne ne lui ouvrait, comment pourrait-elle avoir accès à l’information qu’Elodorwin lui avait commandé? En effet, il fallait qu’elle est repéré toutes les alliances et les lois pouvant aider pour l’opération surface, d’ici midi de la prochaine journée. Chaque minute passée devant la porte écourtait le temps que l’hominis aurait pour fouiller les livres, ce qui l’inquiétait grandement. Avec une exclamation de colère muette, Corinne frappa la porte d’un coup de poing. La salle d’assemblée fermée, elle devrait fouiner ailleurs pour trouver les livres qu’elle désirait. Mais où? À quel endroit dans cette immense ville pourrait se trouver les livres qu’elle recherchait. S’assoyant tranquillement au pied de la porte du conseil, Corinne se mit à réfléchir, espérant qu’un quelconque conseiller, ou employé de la ville ne viennent ouvrir miraculeusement la porte de la salle.

Préoccupée, la belle sirène ne vit pas la jeune fille qui se morfondait près des portes de la salle d'assemblée. Elle était en retard, une fois de plus, et son centaure de collègue ne cesserait de lui faire la morale des heures et des heures durant s'il s'en apercevait.
Toute la nouvelle attention portée sur le monde extérieur avait grandement secoué le conseil. Tous les membres passaient leur journée enfermée à remplir de la paperasse et rassurer des habitants. Lors des assemblées, certains atlanticiens, les plus anciens, surtout, se plaignaient du tohu-bohu qu'entraînait un tel événement, ainsi que du manque de sécurité que cela impliquait. Éléonore devait alors leur expliquer le danger auquel étaient exposés les êtres magiques en surface, malgré leurs protestations véhémentes.
Arrivée devant les massives portes de bois, elle se forma une bulle d'eau pour se relever et prononça fortement un mot, qui eut pour résultat d'ouvrir en grand les battants. Les jours fériés, la salle était fermée au public et il nécessitait d'avoir une permission spéciale pour entrer.
Plongeant à nouveau dans les canaux mis à son usage, elle s'apprêtait à partir lorsqu'elle se retourna.

-Bonjour Mademoiselle. Puis-je vous aider?

Elle venait tout juste de remarquer la petite silhouette affublée de grosses lunettes rondes.

Corinne attendait avec anxiété, tournant et retournant les informations qu’elle détenait des livres d’histoire. Malgré tout ce qu’elle savait, rien n’était dit au sujet des alliances ou des lois. Par contre, Elodorwin lui avait demandé des informations et elle les aurait, coûte que coûte! Ainsi, attendant toujours devant les portes de la salle d’assemblée, elle vit approcher une sirène et, pour le bonheur de Corinne, elle ouvrit les portes de la salle d’assemblée. Pourtant, la dame du conseil ne semblait pas avoir remarqué la petite étudiante et s’apprêtait à entrer dans la pièce sans un regard pour elle.

Malgré son envie intense de pénétrer en ces lieux, Corinne n’osa pas appeler la sirène, ne souhaitant pas être impolie devant une des plus hautes placées d’Atlantis. Par contre, son cœur battait d’impatience et elle pensa intensément à la sirène afin que celle-ci détecte sa présence.

Que ce soit grâce à son appel télépathique inventé ou à son désir ardent de voir la sirène se retourner, celle-ci la regarda et lui adressa gentiment la parole. Bondissant sur ses pieds à une vitesse ahurissante, Corinne déclara sans respirer :

«Jevoulaissavoirsijepouvaisconsulterlesdocumentssurlesloisetlesalliancesquepossèdentle
conseil.»

À bout de souffle, Corinne inspira bruyamment avant de rajouter, plus clairement :

« En fait, je voulais savoir s’il était possible que je puisse consulter les archives dont dispose l’assemblée»

Arborant son plus beau sourire, Corinne se demanda ce qu’elle ferait dans la situation où la sirène refuserait. Se disant que des rumeurs sur ses talents à l’école auraient pu parvenir au conseil, la jeune fille rajouta :

«Ah au fait! Je suis Corinne Duboustok, étudiante de l’académie.»

Éléonore sourit en voyant la gêne de la jeune fille, qui était vraiment toute petite. Mais charmante. Malheureusement pour elle, sa réputation ne la précédait pas. En ce moment de crise, la sirène avait mieux à faire que de s'occuper des résultats des élèves de l'académie, même si leur éducation lui tenait vraiment à coeur.
En temps normal, la présidente du conseil aurait catégoriquement refusé, puisque ce n'était pas sécuritaire. Les archives de la salle d'assemblée valaient pour la plupart une grande somme d'argent et certains d'entre eux ne pouvaient même pas être touchés, tant ils étaient fragiles. Pourtant, depuis quelques mois, elle s'était considérablement adoucie, allant même jusqu'à être familière avec des sirènes communes, que méprisaient habituellement les sirènes mystérieuses comme elle.

Elle sourit d'un air pensif. La fille n'avait pas du tout l'air denegreux, mais il y avait beaucoup de métamorphes dans l'Atlantide. Aussi, elle la jaugea longuement de son regard presque blanc avant d'approuver à la requête de Corinne par un léger signe de tête, suivi d'un sourire plus sincère.

-D'accord, commença-t-elle doucement. Mais je vais venir avec vous, et vous devrez me renseigner sur ce que vous cherchez et pourquoi c'est si important pour vous, dit-elle plus fortement. Qui sait, je pourrais peut-être même vous aider?

La petite savante ne s'en rendait probablement pas compte, mais elle était la seule depuis environ dix années à voir le véritable sourire de la sirène. Celle-ci était émue par la fille qui se trouvait devant elle et lui rappelait la jeune Evla Ëmiliès, sa grande amie de toujours.

Corinne regardait avec anxiété la belle sirène devant elle. Son cerveau ingénieux était impressionné par la complexité de la vie de la sirène au sein de la partie terrestre de la cité d’Atlantis. Tout ces réseaux de canaux étaient vraiment prodigieux. Par contre, un petit recoin de l’esprit de l’hominis se mit à réfléchir à une manière plus pratique de faire vivre les êtres aquatiques à Atlantis. Ses plans s’arrêtèrent nets lorsque Éléonore lui répondit.

Un des rares sourires sincères de l’hominis se dessina sur ses lèvres, mais la présidente du conseil ne réaliserait probablement pas cela, de la même manière que Corinne ne remarquât pas le côté surprenant du sourire de la sirène.

En entendant la requête qu’avait la présidente à l’accompagner dans les archives, Corinne approuva. Cela était plus que normal que quelqu’un l’assiste dans les archives. Toutefois, elle était étonnée de constater que se serait la présidente elle-même, que Corinne n’avait jamais vu mis à part pour un portrait à l’académie, qui l’assisterait. Ravie que sa requête soit accepter, l’hominis s’exclama joyeusement :

« Oh merci beaucoup madame la présidente, merci! Vraiment! J’aurais besoin d’informations au sujet des lois et des alliances des êtres magiques en temps de guerre pour…», Corinne s’apprêtait à parler d’Elo, mais préféra garder secret cet partie de sa tâche, « une tâche que l’on m’a confié à l’école.»

En soit, la fin de sa phrase n’était pas un mensonge car Elodorwin lui avait vraiment confié une tâche lorsqu’elles étaient à l’école. Celle-ci n’avait aucun lien avec l’académie, mais Corinne ne se sentit pas obliger de le rajouter. Étant donné qu’elle n’avait pas menti, l’étudiante parla sans hésitation, de manière à ce qu’il soit très dure de déceler son mensonge. Elle termina donc ses explications en rajoutant :

« Ainsi, j’aurais envie de rendre un travail très poussé, comme on en voit rarement! Vous savez, j’ai choisi un sujet difficile et je veux prouver que je suis capable de le réussir.»

Corinne marquât sa dernière phrase d’un signe de tête, et peu de personne aurait pu se douter qu’elle ne voulait pas réellement rendre un travail bien fait en voyant son allure d’élève studieuse. La jeune étudiante attendit la réponse d’Éléonore avant de pouvoir se lancer dans son travail fastidieux.

Éléonore haussa un sourcil perplexe, convaincu que la jeune fille lui cachait quelque chose, mais ne poussa pas le sujet plus longtemps. Au contraire, elle s'effaça devant elle en lui tenant la porte à bout de bras, par politesse. Après tout, l'hominis était singulièrement petite et frêle. De toute façon, les jours où la salle était fermée, les civils ne pouvaient même pas toucher la porte, sinon quoi la porte se refermerait automatiquement sur eux. C'était une précaution ajoutée à toutes celles qui existaient déjà, car jadis, juste après la guerre, quand les dieux avaient repeuplé Atlantis, les membres du conseil étaient très méfiants, tout comme le reste de la population, d'ailleurs.

-Après vous, lui enjoignit-elle.

Elle la guida à travers les longs couloirs qui menaient à la bibliothèque, s'arrêtant au préalable à la grande salle de réunion pour avertir ses comparses de son léger retard. Elle sourit faiblement à Corinne, comme pour la rassurer, lui faisant comprendre que ce petit détour ne la dérangeait nullement.
Elles arrivèrent enfin devant la porte qui menait à tous les documents écrits d'une quelconque importance de l'histoire de l'Atlantide. S'arrêtant pour un moment, elle ouvrit avec fierté les portes en grand.
La vue qui s'offrait à elles était magique. On pouvait y voir des étagères de bois sculpté, toutes plus belles les unes que les autres, sur lesquelles trônaient de grands documents, jaunis et poussiéreux pour la plupart.
De grandes fenêtres, presque aussi grandes que le mur sur lequel elles étaient posées, éclairaient la pièce d'un air mystérieux et énigmatique. C'était le seul éclairage, et cel donnait encore plus de brillance à la poussière qui flottait lentement dans l'air, prenant un bain dans les rayons dorés du soleil de la bulle.
La sirène sourit encore plus largement. Elle avait toujours adoré ce lieu, même petite, lorsque sa mère lui faisait visiter l'endroit où elle travaillait. Elle l'avait qualifié, pour la première fois, de féérique, même si elle ignorait la véritable signification de ce mot. La présidente du conseil mit fin à ses rêveries nostalgiques en secouant délicatement sa tête, faisant voler autour d'elle ses cheveux blancs.