Un nouveau départ

Din Quíchöttá se tenait fièrement au tout début du pont. Il chevauchait sur Rossini, plus en forme que jamais [permettez-moi d’en douter]. Brave et orgueilleux, il ne craignait guère l’aventure. Après tout, il était bien chevalier errant! Se retournant vers un public invisible, il cria haut et fort, levant un javelot à la mine effilée dans les airs (c’était en fait une branche qu’il avait ramassée en chemin) : « Peuple et païen! Ne craignez rien! Vos amis, cousins, frères et sœurs sont saufs maintenant que j’ai pris les choses en main! Je reviendrai chargé de réfugiés qui demanderont l’asile en ces terres. L’heure a sonné de révéler le chevalier qui se cache en moi. »

Il se tenait là courageusement, les deux bras levés, sa branche de bois à la main. Rien n’aurait pu l’arrêter. [Ça aussi il est permis d’en douter.]

Se retournant vers le néant, il s’apprêtait à murmurer une de ses palabres incompréhensibles lorsqu’un petit bruit l’arrêta...

Cornélie avait suivit son ami à travers toute la ville, jusqu’au pont. Il était maintenant là, debout devant le pont, face à la ville, à lancer des paroles au ciel, pour ne pas dire des paroles en l’air. La lutine le trouvait toujours aussi rigolo, et, si elle avait été légèrement plus vieille, elle aurait probablement été effrayée par ce long périple qui l’attendait. Toutefois, elle n’y voyait qu’une aventure de plus, qu’une chamaillerie supplémentaire. C’est sûrement pour cette raison qu’elle voulut imiter sa nouvelle idole et s’écria, face à la ville elle aussi, mais légèrement cachée par Rossini :

-Peuple et païen! Ne craignez rien!

Puis, se retournant fièrement vers Din, elle lui déclara simplement :

-Alors, on y va monsieur Fou?

Se disant, elle tenta de grimper sur Rossini en lui agrippant la fourrure, ce qui eut pour effet de faire grincher le vieux cheval. Voyant que c'était sans succès, elle lança un regard attendrissant à son vieil ami en lui souriant timidement.