Fuite de la chaleur

C’était par une sombre nuit que Skiräzä s’était dirigée vers le lac d’Imigèle. Elle avait tenté de s’endormir au sommet de son arbre de la forêt saisonnière mais la chaleur assommante l’avait bien vite empêchée de dormir. Ainsi, malgré sa crainte de s'approcher de l'eau, elle avait décidé de s'aventurer vers le lac d'Imigèle où elle pourrait se rafraîchir brièvement.

C’était une nuit sans lune, où chaque étoile semblait briller de mille feux. La fée adorait ces nuits enchanteresses où tout semble désert à prime abord, mais, lorsqu’on s’attarde un moment, l’on découvre un fourmillement de vie immensément grand. Elle avait voleté un petit moment au travers de la forêt, créant une zone d’ombre sur son passage. Épuisée et étouffée par la chaleur, elle s’arrêta aux abords du lac qu'elle cherchait. Elle vola jusqu’à être en son centre et se laissa doucement glisser dans l’eau douce et tiède. Le lac avait été réchauffé par le chaud soleil d’été et l’eau y était confortable.

Pendant quelques instants, Skiräzä resta suspendu dans les airs, les pieds dans l’eau et quiconque l’aurait aperçu aurait été troublé par la beauté de la scène. Le lac, reflétant les milliards d’étoile avait en son centre une fée aux ailes magnifiquement déployées autour d’elle. On aurait dit une statue représentant la déesse nocturne des fées, Maëlstra. Soupirant doucement, la fée s’éloigna du lac, se sentant rafraîchie par le simple contact de l’eau sur ses pieds. Comme elle détestait l’eau, qui lui permettait de voir son reflet, elle n’aimait pas avoir à s’en approcher. Ainsi, elle se réenvola rapidement car elle craignait n’être restée trop longtemps à cet endroit. Elle fut parcourut d’un frisson en réalisant le risque qu’elle venait de courir, car elle aurait pu facilement voir son reflet et ainsi subir de terribles conséquences.

Après être à une bonne distance du lac, la fée de la nuit se déposa tranquillement sur une roche, vérifia qu’il n’y avait personne aux alentours, et se mit à chanter une balada à Maëlstra. Cette chanson racontait que cette déesse avait été nommée déesse de la nuit en raison de sa trop grande solitude. Parfois, Skiräzä se sentait un peu comme elle, seule et sombre et elle adorait chanter les anciennes chansons féeriques à propos de cette dame. À présent, le silence de la nuit était simplement rompu par la voix mélodieuse de Skiräzä.

Cette nuit encore, Ondin était rentré de sa chasse nocturne sans avoir croisé le moindre galion à couler, seulement un ou deux tritons errants dont les marques sur le corps montraient qu'ils avaient étés rejetés par leurs clans respectifs. Ondin cru reconnaitre la marque d'un clan qu'il avait combatu quelques années auparavant et se dit qu'il était probablement responsable d'une manière ou d'une autre de son errance vu la défaite cuisante que son clan et lui avaient infligés à cet autre clan. Le souvenir de la colonie lui revint à l'esprit quelques instants ainsi que le visage de sa tendre ... Une larme perla sur son visage, se noyant imédiatement à l'océan.

Il ne s'était pas rendu compte qu'il était déjà arrivé jusqu'au lac intérieur où il avait élu domicile quand un son étrange lui parvint. Il décida de rejoindre la surface pour savoir d'où provenait ce son qui, au fur et à mesure qu'il s'aprochait, prennait la forme d'une chanson qui lui parru d'une grande tristesse. Son fidèle trident toujours à la main comme à son habitude, il transperça la surface et en sorti le torse jusqu'à la liaison entre celui-ci et sa longue queue. A son grand étonement, il apperçu une ombre sur un rocher proche des abords du lac. S'en aprochant doucement, il restait sur ses gardes et attendit que la chanson qui l'avait attiré là soit finie avant de lancer "Bonsoir. Je peu vous aider ?" d'une voix grave et fière.

Skiräzä continuait sa chanson, réalisant jusqu’à quel point sa vie ressemblait aux calvaires qu’avait eu à endurer Maëlstra. Tout en chantant ses lignes préférées, la fée de la nuit sentit ses yeux se remplirent de larmes :

« Et pour ne pas faire subir aux étrangers,
tous les labeurs qu’elle dû affronter,
la belle déesse esseulée,
s’en fut prisonnière de ses pensées glacées.»

Depuis qu’elle avait passé une soirée en compagnie de Rûne et de Kali, la jeune femme regrettait sa vie seule et misérable. Doucement, comme la chanson se terminait, la voix de Skiräzä se perdit dans le silence de la nuit et elle étouffa un soupir. Le silence qui l’entourait la faisait autrefois sentir protégée et en sécurité, comme une couverture confortable. Pourtant, cette fois, il lui inspirait tristesse et vie malheureuse. Soudain, le silence fut rompu par une voix grave remplie de fierté et de calme. Sursautant, Skiräzä s’envola, tel un oiseau sauvage effarouché.

Rendue quelques mètres au dessus du rocher sur lequel elle était assise, elle regarda l’inconnu qui se trouvait devant elle, tout en tenant solidement son capuchon sur sa tête pour éviter qu’Ondin voit son visage. L’homme semblait habitué à l’eau et avait un torse musclé. Il tenait en ses mains une arme, un trident, fidèle outil des tritons. Il semblait à Skiräzä qu’il était très poli et elle répondit tranquillement à sa question :

« Non merci, tout va bien, je m’étais seulement arrêtée ici pour chanter sous les étoiles qui sont magnifiques ce soir. N’est-ce pas?»

Puis, elle fit un doux sourire mélancolique à Ondin, qui ne pouvait voir que ses dents blanches. Normalement, elle se serait enfuie à la première syllabe du triton mais cette fois, elle restait. La fée de la nuit sentait bien qu’elle avait changé depuis son arrivée à Atlantis et elle espérait bien que ce changement ne nuirait à personne.