J'ai oublié, c'est Etilac ?

Yuthiana paraissait déçue.

- Ho… Et même avec un fil d’Ariane ?

Cette idée lui était venue après la lecture d’un conte sur un jeune aventurier et un monstre. Sa mère lui avait confié que c’était de la mythologie, elle adorait ce genre d’ouvrage un peu tiré par les cheveux. En effet, Yuthiana ne voyait pas en quoi le minotaure y était dépeint comme un monstre sanguinaire.

- En tout cas, je préfère suivre ton conseil.

Elle pensait surtout au temps que cela lui prendrait pour retrouver son chemin. Si elle le retrouvait un jour…

Romanaëlle marchait rapidement au côté de Yuthiana pour ne pas perdre Tïma de vue à nouveau. Elle n'avait jamais entendu parler du labyrinthe dans le jardin mais trouva l'idée tout à fait géniale.

-Un labyrinthe! Génial! Je croyais que ceux-ci existaient seulement dans les livres.

Par contre, sa joie fut vite effacée par la réponse sèche de Tïma.

- Dommage, j'aurais bien aimé y aller, même si c'est dangereux. De toute manière, je suis sûre que l'on peut s'en sortir facilement.

Elle chuchota donc à l'adresse de Yuthiana, qui semblait fort déçue de ne pas pouvoir se rendre dans le labyrinthe:

- Tu es sûre que tout va bien? Si tu veux, on ira toutes les deux, une fois!... et avec un fil de... Arlirane?

Romanaëlle ne se souvenait pas du mot exact, elle n'avait jamais entendu parler d'un fil de cette sorte. Elle avait plutot dit cela pour remonter le moral à Yuthiana qui s'était étrangement assombrie après avoir parler du labyrinthe. Romanaëlle ne savait pas qu'elle s'était un peu méprise sur les sentiments de Yuthiana et que celle-ci n'avait pas changer d'humeur simplement à cause du labyrinthe.

Yuthiana eut un léger rire qui s'évanouit à la seconde même où il franchit le mur de ses lèvres de sorte que l'on pouvait croire à ne l'avoir jamais entendu.

- Le fil d'Arianne.

Dit elle simplement.

Puis elle observa le dos de sa main droite en fronçant les sourcils.
Lorsqu'elle était pensive, elle prenait un air un peu sévère qui la vieillissait.
Maldoror laissa échapper un petit miaulement, comme si il comprenait ce qui se passait dans la tête de la jeune fille.

Romanaëlle fut déçue de la réaction de Yuthiana. Celle-ci lui répéta simplement le nom du fil, le fil d'Arianne.

-Oh, pardon, fil d'Arianne.

Le chat blottit dans les bras de Romanaëlle émit un petit miaulement et celle-ci se retourna vers Yuthiana qui regardait sa main droite, pensivement. Romanaëlle réalisa que la jeune fille s'était peut-être assombrie pour une autre raison que le labyrithe. Celle-ci n'avait d'ailleurs pas répondu lorsque Romanaëlle avait demandé si ça allait. Même si elle craignait que Yuthiana est évité sa question pour ne pas y répondre, Romanaëlle se répéta.

-Tu es sûre que tout va bien?

Elle ne voulait vraiment pas que la jeune fille soit malheureuse, c'était en fait la première avec qui Romanaëlle avait une vrai conversation, sans un seul commentaire déplacé.

Le visage de Yuthiana redevint lisse, presque sans expressions, si ce n’est l’espèce de pétillements qu’elle avait dans ses yeux.
Ces derniers, d’ailleurs, se posèrent sur Romanaëlle avec étonnement.

A Etilac, tout était différent.
Nila Angel, la voisine de chambre de Yuthiana, n’avait pas hésité à lui laisser son lit pour qu’elle ne se retrouve pas seule dans une des grandes chambres du bâtiment.
Et, à présent, son interlocutrice avait l’air de s’inquiéter pour elle.
Non pas que l’elfe en ressenti un malaise, néanmoins, ça n’en était pas loin. Habituée à n’être qu’une ombre et à sa solitude permanente, la jeune fille avait du mal à s’ouvrir au monde extérieur.

- Hum…

Fit-elle, l’air pensive.

- Non, non, tout va bien.

Et pour appuyer son semi mensonge, ses lèvres formèrent un sourire réconfortant.
Elle n’allait pas commencer à inquiéter les quelques personnes qui avaient eut le malheur de lui adresser la parole, tout de même ?!

Ensuite, elle pencha la tête légèrement sur le côté où se trouvait Tïma après avoir observé un instant Kea et murmura :

- Tout… Mais pas tous.

Puis, elle se tourna vers son interlocutrice et demanda avec douceur :

- Et toi ? Est-ce que tout va bien ?

La manière dont elle avait prononcé cette phrase aurait pu déranger quelque peu. En effet, elle n’avait pas dit cela avec désinvolture mais en appuyant suffisamment sur le mot « tout » pour lui donner du poids. Ce n’était donc pas une question de politesse nécessaire pour la bonne suite de la conversation, mais une phrase qui attendait une réponse, négative, ou positive.

Kea fit un dernier signe de main aux filles.

Encore merci !

Puis il partit dans un petit couloir à droite, il avait le présentiment d'y trouver uen chambre.

On se verra une autre fois les filles !

Yuthiana sourit à Kea.

- A un de ces quatre !

Elle accompagna sa parole d’un salut de la main.

- Je me demande quels cours il a prit…

Dit-elle sans arrière pensée.

À la suite de la réponse de Yuthiana, Romanaëlle comprit qu’elle ne devait plus insister. Pourtant, elle avait bien remarqué que Yuthiana n’allait pas si bien mais elle n’avait apparemment pas envie de se confier. Elle répondit donc à son sourire, puis à sa question :

-Oui… Oui je crois que tout va assez bien. Je rencontre de plus en plus de personnes super sympathiques et j’ai un travail emballant.

Romanaëlle fut tout de même légèrement troublée par l’intonation du mot «tout» de Yuthiana mais décida de lui répondre sincèrement. Si Romanaëlle se confiait à Yuthiana, peut-être que celle-ci se confirait ensuite. Romanaëlle était de ces personnes qui croient fermement que l’on a besoin d’aide pour avancer.

-Enfin, prétendre que tout va bien serait évidemment mentir. J’ai un peu de difficulté à m’habituer à cette grande ville, à tous ces gens différents de moi. Aussi, mon père me manque beaucoup et ma mère est toujours aussi absente. Je crois qu’il est impossible que tout aille bien ou du moins, ça ne m’est jamais arrivé.

Romanaëlle eut un petit rire, qui démontrait qu’elle n’était pas vraiment affectée par ce qu’elle venait de dire. Puis Kea les salua et elle le salua à son tour.

-Au revoir Kea! J’ai été vraiment ravie de te rencontrer, au plaisir de te revoir, au café sûrement!

L’elfe eut encore un rire faible.

- Et bien ! C’est vrai que les gens sont différents ici… On croirait presque que c’est cet endroit qui les influence.

Dit elle en écartant les bras, désignant Etilac dans son ensemble.

Yuthiana le sentait.
Depuis qu’elle était ici, c'est-à-dire depuis peu, elle avait remarqué cette espèce de charisme que dégageait l’endroit. Il était à la fois réconfortant et intriguant.
Elle était persuadée que l’historique de la bâtisse devait être fabuleuse.

- Tes parents te manquent… C’est normal. Mais tu as aussi beaucoup de chance d’être ici. Puisque ton futur se trouve entre ses murs.

Pour elle, avoir de l’affection pour sa famille était plus que difficile. Certes, elle appréciait beaucoup sa mère mais elle n’avait pas hésité à la quitter pour s’éloigner de son aîné.
Après que Kea les ai quitté, elle dit, songeuse :

- Au fait ? Tu voudrais faire quoi, plus tard ?

Puis, elle avoua dans un murmure :

- Si il m’était possible de choisir, je ferais apothicaire.

Et elle eut un sourire.

Romanaëlle approuva les propos de Yuthiana au sujet d'Étilac. Il était vrai que cet endroit la changeait elle-aussi, elle le sentait, elle se sentait devenir plus mature.

- Je ne sais pas si mon futur se trouve à Étilac, je n'ai aucun pouvoir spécial à développer. Toutes les jeunes filles ici ont des pouvoirs puissants, sauf quelques unes. Je ne crois pas que j'ai ma place dans cette immense académie.

Romanaëlle fut vraiment enchantée de l'idée de Yuthiana.

-Apothicaire? Wahou! C'est vraiment une idée géniale! Moi je compte ouvrir un petit restaurant. Mon emploi au café chez Falbala m'a littéralement transformé, et a aussi transformé tous mes plans de carrière. On pourra ouvrir nos boutiques à côté et développer un nouveau type de restaurant où l'on sert aussi des produits d'apothicaire!

Romanaëlle fit un très large sourire à Yuthiana. Elle aimait vraiment beaucoup cette jeune fille qui semblait si triste parfois.

Yuthiana prit un air sérieux et dit :

- Tu sais… Il ne faut pas spécialement avoir de puissants pouvoirs pour avoir un avenir prometteur. D’ailleurs, le mien n’a rien à voir avec mon métier futur.

La jeune fille partit d’un petit rire nettement moins discret que les précédents, il se faisait plus franc.

- Ce serait une excellente idée.

Dit elle avec un sourire.

Cette projection dans le futur mis Yuthiana de bonne humeur, même si ces rêves étaient peu réalisables.
En effet, après ses études à Etilac, elle cesserait à nouveau d’exister. Son père allait probablement essayer de la marier une fois de plus, histoire de ne pas devoir partager l’héritage et, il était fort probable que, apprenants ses projets d’avenir, il les lui fasse oublier rapidement. Il préfèrerait certainement la tuer plutôt que de savoir une De Surïon au service du peuple.

Mais, il semblait parfois oublier son caractère de feu.

« Les individus naissent libres et égaux. Rappelle-t-en, Yu. Tu n’es pas une De Surïon, tu es toi. »

* Si seulement tu étais encore là… *

Pensa-t-elle à l’adresse de la personne qui lui avait un jour dit cette phrase.

Elle chassa toutes ses idées de sa tête et un petit sourire revint se placer sur ses lèvres.

- Le café de Falbala ? Vous vendez de la liqueur de Rose ? De l’hydromel ? Du chocolat chaud ? Des bonbons ?

Dit elle, les yeux emplit de gourmandise.

En entendant le rire franc de Yuthiana, Romanaëlle se mit à rire elle aussi, entraînée par cette joie nouvelle. Romanaëlle se mit à réfléchir à son avenir. Elle n'y avait jamais vraiment pensé. Elle ne savait toujours pas si elle allait retourner auprès de son père ou simplement rester ici, en recherchant toujours sa mère. Plus elle rencontrait des gens différents, plus elle réalisait comment il y en avait beaucoup et plus Romanaëlle se disait qu'elle ne trouverait jamais sa mère. Celle pour qui elle avait réellement quitté son père adoré.

-On pourrait ouvrir notre commerce dans une rue passante et avoir un magnifique jardin à l'arrière. Puis, lorsqu'on sera devenue riche, on pourra construire notre propre labyrinthe et filer des fils d'Ariane et faire visiter notre labyrinthe aux habitants!

Romanaëlle était vraiment emballée, perdue dans ses pensées et dans son enthousiasme nouveau.

- Je n'avais jamais pensé à mon futur avant aujourd'hui. Mais maintenant, j'ai plein d'idées et ça me semble moins effrayant!

Puis, lorsque Yuthiana se mit à parler du café, Romanaëlle acquiesça à toutes ses questions.

- Il y a de tout au café! C'est comme si Falbala pouvait deviner ce que les gens aiment et faire exactement ce qu'ils veulent! Patisseries, repas, breuvages, on y retrouve vraiment de tout! En plus, on a ouvert une auberge récemment et il y aura bientôt une petite fête!

Yuthiana eut un sourire qui la rendait moins froide.
Elle adorait l’enthousiasme de Romanaëlle, cela lui mettait du baume au cœur.

- Le futur est quelque chose que l’on peut obtenir… Alors que le passé est révolu et que le présent est trop éphémère, le futur est une raison d’exister.

Elle voyait cela comme ça.
Son futur, son temps qui arrivait lentement mais sûrement… Elle allait trouver un moyen de rendre ses projets réalisables et oublier son père, son frère et les carnages dont ils étaient responsables.

- Ho !!!

Dit elle soudain avec espièglerie.

- Une fête ?

Yuthiana prit un air décontenancé.

- C’est quoi, exactement ?

Romanaëlle se félicitait d'avoir réussi à changer l'humeur de Yuthiana. Celle-ci semblait de bien meilleure humeur qu'au début de leur conversation. Parler de son futur l'emballait tellement qu'elle ne pouvait empêcher son enthousiasme débordant de... déborder!

- Falbala et moi, on invite tout le monde d'Atlantis à venir célébrer l'ouverture de l'auberge! Il y aura des repas, des breuvages et les 6 premières personnes à arriver auront même le droit d'avoir une chambre gratuite pour la nuit.

Ce sont vraiment de belles chambres, moi et Falbala, on a investit beaucoup de temps! Si tu veux, tu viendras! On attend plusieurs personnes pour fêter, ça sera comme un bal, si on veut!

Romanaëlle se demandait si la question de Yuthiana était de savoir ce qu'était une fête, ou ce qui se passerait à la fête de l'auberge. De toute manière, elle en avait assez dit pour que Yuthiana comprenne.

-Dans nos magasins, je propose qu'on fasse une fête tous les mois pour rencontrer plein de nouvelles personnes!

Romanaëlle n'arrivait pas à arrêter son cerveau de penser à son futur.

L’elfe ouvrit des yeux ronds.

- Ca a l’air d’être génial !

Elle eut soudain l’air rêveur.
Si elle pouvait ne serait ce qu’une seule fois la chance de participer à une « fête ». Ca avait l’air amusant pour que son interlocutrice en parle avec autant d’ardeur et de joie.

- Oui, je suis certaine que les gens ne pensent pas assez souvent à s’amuser. Ca les rend morose et peu charmant.

Dit elle dans un petit rire discret.

Romanaëlle était tout aussi emballée à l'idée de la fête.

-N'est-ce pas que ça a l'air génial? Et puis je serai l'hôte et se sera sans doute la plus grosse soirée de toute ma mince carrière. J'espère que les gens viendront, Falbala a travaillé dur sur cette soirée et les prix pour les premiers arrivants à l'auberge sont très alléchant.

Tu devrais venir Yuthiana! Comeme ça, tu veras de quoi à l'air une fête.

Romanaëlle pensait personnellement que s'amuser était la blus belle chose au monde. Rire, aimer et être aimé.

- En effet, s'amuser ça rend tout tellement mieux! Après tu es heureux, alors tu rends les gens heureux autour de toi. Après, ces gens que tu as rendu heureux rendent les autres heureux à leur tour.

Romanaëlle fit un grand sourire à Yuthiana, fière de sa «chaîne des gens heureux».

Yuthiana avait déjà assisté à plusieurs bals durant son existence. Mais il n’avait rien à voir avec l’ambiance joyeuse décrite par Romanaëlle.
Certes, il y avait de la musique et les gens dansaient, mais à les voir, rien ne paraissait naturel ni amusant. Il faut avouer que chez les nobles et riches gens, tout est si codifié que la monotonie remplace bien vite la joie de vivre.

- J’aimerais bien venir…

Dit elle avec envie en regardant Maldoror dormir dans les bras de la jeune fille.

Elle semblait hésitante mais déjà toute à cette possibilité de participer à une fête.

- Je pense que… Je vais y faire un tour.

Dit elle finalement en reformant son chignon.

- Je ne connais pas beaucoup de personne par ici et j’aimerais bien faire plus de connaissance. Mais si les gens sont tous comme toi, dans ce cas, je n’ai rien à perdre, mis à part la solitude. C'est l'occasion de mettre en oeuvre la chaîne du bonheur.

Et elle rit.

Romanaëlle sourit à l'idée de voir Yuthiana au café. Elle serait vraiment ravie de la revoir, elle s'était bien amusée avec elle.

- Ça serait génial que tu viennes! Je t'y attendrai! D'ailleurs je vais devoir te quitter, nous devons faire les préparatifs car il y aura énormément de nourriture et de décorations. J'espère bien t'y voir.

Romanaëlle déposa le chat endormi sur le sol.

- Au revoir toi, j'ai été bien ravie de te recontrer. Tu es un chat adorable.

Puis, elle regarda Yuthiana et lui déclara:

-Enfin Maldoror, moins adorable que ta maîtresse...

Elle fit un petit signe de la main à sa nouvelle amie et se prépara à quitter.

Yuthiana sourit.

- Je viendrais !

Elle n’allait tout de même pas rater une telle occasion de se changer les idées. De plus, plein de monde s’y trouverait certainement !

- Quel gros paresseux.

Dit elle à l’adresse de son chat, le prenant dans ses bras pour ne pas qu’il se réveille au contact du sol froid.

Yuthiana rit à l’adresse de Romanaëlle et, tout en lui faisant un signe de la main, renchérit :

- A bientôt !
Et puis, elle se retourna et prit une direction au hasard.